[C'est juste le début, pas fini]
« Heu… Je voulais juste vous demander de m’aider à propos d’une femme : Dorgahn, la fille de Marcheal. Je viens de comprendre que mon cœur balance vers elle. Mais je suis si maladroit envers les femmes qui me sont chères, que j’ai peur de mal m’y prendre pour lui demander de m’épouser… »
En un bout de parlotte, les espérances de Méowen s’étaient brisées nettes. Comme l’on casse une brindille. Son cœur, qui jusque là avait battu comme un petit fou, s’était brusquement stoppé et avait sombré dans une longue et interminable chute. Il tombait dans le néant. Il sombrait, emportant avec lui cette euphorie qui avait été de courte durée. De cette sorte, un profond écœurement succéda une joie.
Clac! La gifle qui vola jusqu'à la joue de Deorl libera toutes les amères émotions de la jeune femme. Cette-dernière senti alors un élan de fierté l’emplir. Il lui semblait tout à fait juste que ce bougre ait reçut cette humiliation, et elle s’estima plus que satisfaite lorsqu’elle vit, du coin de l’œil, trois hommes ricaner de lui. Méowen avait prit un plaisir malsain à crier vengeance. Elle qui s’était révélée si honteuse, si vulnérable, lorsqu’il lui avait fait comprendre ses préjugés…
« J’ai réfléchi, Deorl, et finalement je préfère qu’il n’y ait que ‘La Sagace’ entre nous. En fait… Evitez de venir me parler à l’avenir ».
Cette phase cassante, froide et dure balancée, Méowen s’en retourna à grands pas dans l’enclos, poings serrés, tête haute. Peut être de visage elle avait l’air parfaitement détendue, mais question esprit, c’était le véritable feu d’artifice. Badincrin, l’étalon à la robe aubère, paraissait avoir flairé cette colère, car il observait avec une curiosité sereine sa maitresse s’avancer vers lui. C’était sa manière de demander « Que t’arrive t-il ?... ». Il henni doucement à l’adresse de Méowen.
« Laisse, mon Badin… marmonna la femme. Tu es bien chanceux de ne pas connaitre le chagrin… »
Elle jeta un coup d’œil par-dessus l’encolure de sa monture et vit la silhouette de Deorl disparaitre au coin d’une maison. Elle aurait voulu pouvoir tendre sa main pour le rattraper, pour récupérer sa place à ses cotés… Mais pourquoi lui avait-il fait ça ? Comment avait-il pu ainsi l’écarter pour une autre ? Qui pouvait bien être cette Dorgahn ? Qu’avait-elle de plus ? De mieux ?
Avec un soupir de lassitude, Méowen se laissa glisser au sol, le dos contre les jambes de Badincrin.
« Se voir épouser quelqu’un… Est-ce inaccessible pour moi ? demanda t-elle, le regard vague. N’y a-t-il personne de ce monde qui ne me soit destiné ? Que possèdent les femmes telles Dorgahn dont je sois dépourvue ? Suis-je laide et désagréable ? »
Elle se tourna vers sa monture.
« Qu’en penses-tu ? »
Badincrin qui avait écouté avec attention fit mine d’avoir eut un instant d’absence et continua à ruminer bêtement son herbe. Sa maitresse eut un geste d’agacement. Lui aussi se fichait d’elle ? Mais qu’avaient-ils tous contre elle ? Méowen s’interrogea.
« A quoi ressemble cette Dorgahn ?… J’aimerais connaitre la raison qui a mené Deorl vers elle… Je veux savoir ce qu’elle a de si spécial… De si exceptionnel. Qu’est ce qu’il trouve en elle que je n’ai pas ? »
L’étalon eut un hennissement aux notes moqueuses, et sa maitresse s’enflamma aussitôt.
« Quoi ? Jalouse ? Moi ? Détrompe-toi! »
…Oh, et puis si. Soit elle était piquée de jalousie. Mais elle ne pourrait se l’avouer. Au fond d’elle, Méowen ne savait plus ce qu’elle devait penser. Devait-elle pleurer ? Devait-elle laisser sa colère percer ? Devait-elle ignorer les derniers événements ? Non… le dernier choix ne lui semblait pas plausible. Elle ne pouvait méditer sans imaginer Dorgahn et Deorl. Quel avait été l’atout de cette femme qui l’avait devancée? Qu’y avait-il de si merveilleux dans ses yeux? Qu’y avait-il de si beau dans ses mots ? Méowen senti une injustice peser lourdement sur ses épaules. Cette femme ne se rendait peut être pas compte de la chance qu’elle avait… Epouser Deorl… Ce qu’elle l’enviait. Ce privilège aurait dû être sien… Jamais auparavant Deorl ne lui avait conté l’existence de Dorgahn. Comment avait-elle pu ne pas deviner l’amour dans ses yeux ? Elle qui le connaissait si bien aurait dû deviner son affection pour Dorgahn.
[A suivre...]